xspirit Firecracker
Nombre de messages : 2128 Age : 115 Localisation : Riorges. capitale de la scie musicale... Date d'inscription : 05/04/2005
| Sujet: Re: Concert au Bataclan (19-06-2005) Lun 5 Sep 2005 - 3:31 | |
| L'Humanité Y a métal et métal Il y a des moments heureux dans la vie. Comme le concert de Fantomas. Il faisait très chaud ce soir-là. Ce n’est pas la foule des grands soirs, mais enfin, c’est honorable. Que d’hommes, que d’hommes, il se passe quoi, ce n’est pourtant pas « vraiment » du « métal »... Rappelons aux lecteurs distraits que le « métal », désignation vague mais que viennent préciser toutes sortes de sous-catégories réservées aux initiées, renvoie à un rock issu du hard rock, du heavy, mâtiné de rock « psyché ». Batterie d’enfer appuyée sur double pédale, soli virtuoses de guitare, voix éructante genre film d’horreur, le tout à puissance maximale. Autrefois, avant qu’on ne parle de métal, les stars du genre étaient Olack Sabbath, Iron Maiden, Status Quo, etc. Ce que d’aucuns traitaient avec affabilité de « rock bourrin », tandis que d’autres se contentaient de rire aux éclats : car il faut bien dire que le hard et apparenté ne brillait pas par la finesse, oh c’est sûr avec un effort on arrivait à entendre le blues qui en était l’origine, mais bon, les voix en falsetto, souvent, les envolées de guitare interminables, le cuir généralisé, l’allure des shows entre match de catch et cérémonie barbare, ça pouvait fatiguer vite, sinon même déplaire franchement. D’accord, il y avait là un geste pour redonner au rock son énergie brute de décoffrage, mais c’était tellement « viril tatoué », c’était tellement « on-défonce-le- mur-et-basta », c’était tellement messe noire et packs de Kro, qu’on avait un peu de mal à se l’approprier. Le hard, c’était pour les ados mâles, les motards fixés Hell’s Angels, certains nostalgiques de Led Zep, et quelques allumés en quête de secrets démoniaques. À oublier. Sauf que le hard a prospéré, est devenu métal, offre des niaiseries Disneyland version trash avec Linkin’Park entre autres, des splendeurs lyriques avec System of a Down, entre autres, des cauchemars wagnéro-crypto-extrême droite avec Emperor et autres groupes du Nord de l’Europe, des merveilles secouantes avec Slayer, bref, le métal est devenu un phénomène, un succès, une influence, une mode, et un sacré révélateur : quand Slipknot a un succès « monstre », c’est le cas de le dire, auprès des publics juvéniles, qu’est-ce qui plaît ? Le côté « freaks », la mise en scène stylée Scary Movie, la violence latente plus ou moins jouée ? Et Marylin Manson, ah, ah, c’est du métal ma foi, dans la lignée d’Alice Cooper, mais c’est du grand guignol qui se prend au sérieux, transgressons, transgressons mes frères, avec du talent en plus... Au fond, le métal, c’est plus vicieux que le hard. Le hard, on pouvait rigoler. Le métal, c’est trop populaire, c’est trop diffus, c’est trop divers, pour qu’on rigole, La preuve, même Mike Patton est classé métal. Ah oui, précisons : Mike Patton, c’est l’initiateur de Fantomas. Des machines, une guitare, une basse, une batterie belle comme une plate-forme pétrolière, avec Terry Bosio aux commandes qui remplace ce Dave Lombardo, et Mike Patton aux manettes, au gouvernail, au pupitre, bref Mike Patton en chef d’orchestre, capitaine et chanteur de l’aventure. Mike Patton c’est Faith No More, Mister Bungle, Maldoror, Tomahawk, entre autres, c’est du rock, du métal, de l’opéra, de la bande dessinée, des jingles, c’est l’esprit dada et la blague postmoderne, c’est du jazz qui zappe et du futurisme qui bruite, c’est un mélange littéralement inouï d’élans crooners, de bruitages cartoons, de déchaînements d’orages contrôlés, de syncopes effroyablement sophistiquées. Mike Patton a une voix à proprement parler extraordinaire, qui miaule, swingue, casse, enrobe, la voix est composante de la musique, cette musique en pleine liberté hypermaîtrisée, qui acrobatise, cite, mixe, brutalise, relit l’héritage, le pulvérise, fait rire, sidère, ça chuchote, ça hurle, ça pulse, on est dans du Captain Beefheart en plus dézingué, plus rigolard, plus aventureux encore, on pense à Bério et aux punks, à David Byrne et à Peter Hammill, à Trent Reznor et à John Lydon, et puis on ne pense plus, on écoute, plein les oreilles, plein les neurones, petites pièces savantes et swinguantes, explosives, affolantes, ironiques, qui font se rejoindre l’expérimental et le survoltant, le métal et la psyché, le savant et le remuant, bribes de fêtes foraines et d’émeutes urbaines, high tech et gongs, vitesse et valse, le public a la trentaine, pour l’essentiel, en noir, tee-shirts revendiquant l’amour du métal tordu et intello, beaucoup de tatouages, et une grande concentration de connaisseur, c’est le Blitzkrieg, éclairs et tempête, mais sur fond de jubilation, on est happé, absorbé, intimement réjoui, Mike Patton saute comme un fou derrière ses micros, en blanc, élégant, éclatant, la voix munificente et hallucinante. La subversion en musique n’est pas morte. Joie. Attention : carte blanche à Mike Patton aux Transmusicales de Rennes en décembre 2005. Fantomas. Suspended Animation, Ipecac Recordings, 2005. Fantomas au Bataclan, Paris le 19 juin. d’Évelyne Pieiller La chronique d’Evelyne Pieiller Article paru dans l'édition du 24 juin 2005. http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-06-24/2005-06-24-809354 | |
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